Avec l’évolution du périmètre de la région Alsace vers celui de la région Grand Est, nous découvrons que nos voisins très proches nous sont encore bien inconnus. Nous n’avons pas encore l’habitude de mettre en perspective nos territoires par rapport à nos voisins lorrains et de Champagne-Ardenne, et encore moins en tenant compte de la Belgique et du Grand Duché du Luxembourg, même si la Suisse et nos amis Allemands sont déjà présents dans nos pratiques et perceptions presque quotidiennes.
Une grande région européenne, un quart nord-est prolongé sur quatre pays… qui l’appréhende ? Pourtant nous sommes, à cette échelle, dans la proximité des plus riches et plus denses régions d’Europe, nous côtoyons des villes-monde et capitales européennes avec Bruxelles, Luxembourg, Paris et Bâle. Rien de moins. Nous découvrons le Grand Est comme la plus transfrontalière et la plus européenne des régions de France, avec quatre frontières et 45 % des frontaliers français. Nous pressentons un vrai potentiel, mais lequel ?
La Région Grand Est porte sept agences d’urbanisme, qui se sont mises en réseau pour défricher, aux côtés de l’Etat, des collectivités et des milieux socio-économiques, ce que signifie cette mise en perspective. Deux d’entre elles, celles de Strasbourg et de Lorraine Nord, ont des membres respectivement allemands et luxembourgeois dans leur partenariat. Le changement de perspective est un appel à la découverte de l’autre et à l’optimisation des alliances au service de l’économie, des entreprises, de l’écologie, du cadre de vie et des services, bref, de la vie des gens. Les agences d’urbanisme se présentent plus que jamais comme des plateformes collaboratives au service des échanges entre les territoires.
A ce titre, nous inaugurons un cycle de trois événements sur le transfrontalier et la grande région, avec une mise en perspective du projet politique européen, qui nourrira les deux autres temps, un séminaire « La région Grand Est et ses voisins, nouvelles dimensions, nouvelles opportunités ? » et une rencontre axée sur les alliances avec l’aire métropolitaine de Karlsruhe, ancrage de la région Grand Est dans le Rhin Supérieur.
Le cadre de nos relations transfrontalières est donné par la dynamique de l’Union européenne. Or, celle-ci est difficile à défricher, probablement à cause de la difficulté intrinsèque à penser les fondements d’un changement d’échelle. Il ne s’agit pas de reproduire notre culture, locale ou nationale, pour l’élargir à la région, à la région transfrontalière ou à l’Europe : nous serions non seulement dans une insuffisance politique, juridique et intellectuelle, mais en plus, hors de toute perception efficace pour avancer ensemble. Penser ce changement d’échelle nous serait pourtant d’une grande aide.
Jean-Marc Ferry aborde le sujet par la philosophie, la sociologie et le droit. C’est à partir de cet angle qu’il décrypte le projet politique européen. Professeur de philosophie politique, titulaire de la Chaire de Philosophie de l’Europe de l’Université de Nantes, il est également professeur honoraire en Science politique et Philosophie morale à l’Université libre de Bruxelles, directeur du Centre de théorie politique, docteur honoris causa de l’Université de Lausanne (…) et auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont L’idée d’Europe en 2013.
Dans sa lecture critique et croisée des visions d’Europe et des visions européennes du monde, il accorde une place centrale au besoin d’un respect de la diversité face aux appartenances unificatrices, qu’elles soient culturelles, religieuses ou nationales.
Conférence de Jean-Marc Ferry, Professeur de philosophie politique, titulaire de la chaire de Philosophie de l’Europe de l’Université de Nantes