MORO - franco-allemand : Conférence de clôture : Aménagement, Transfrontalier | avril 2023

Développer ensemble les territoires n’est plus une option pour les régions transfrontalières 

Le 14 décembre 2022, les résultats du projet pilote franco-allemand (MORO) « Renforcer le développement et l’aménagement du territoire dans les régions frontalières » ont été présentés lors d’une conférence de clôture à Strasbourg.

Le « planspiel », une expérience inédite pour les élus et techniciens français

Dans le cadre de ce projet, deux « Planspiele » (jeux de simulation) dans les régions du Rhin supérieur et de SaarMoselle en Grande Région ont permis d’explorer comment la coopération pouvait être approfondie pour tendre vers un développement territorial plus cohérent et convergent dans les régions frontalières franco-allemandes. Le « Planspiel » dans le Rhin supérieur avait pour thème le développement de foncier économique transfrontalier. Pour la région SaarMoselle, les acteurs ont quant à eux simulé l’élaboration d’un concept d’agglomération transfrontalière. Pour chacune des thématiques, les résultats du « Planspiel » ont donné une première maquette, qui contient toutes les composantes du projet : les travaux de conception, la mise en œuvre, le passage à l’opérationnel et l’établissement de la gouvernance. Ces composantes ont été coconstruites avec les participants au plus près des pratiques opérationnelles habituelles, et ce de manière ludique, sans « tabou » pour trouver des solutions innovantes.
Pour la partie française, ce MORO a constitué « une expérience inédite dans le domaine de l’aménagement du territoire », a expliqué Brigitte TORLOTING, vice-présidente de la région Grand Est, dans le discours introductif de la conférence.

De nouvelles formes de gouvernances pour remédier aux freins de développement des territoires transfrontaliers

En Allemagne, les MORO constituent un outil d’aménagement du territoire utilisé depuis longtemps, et ce MORO transfrontalier, développé et financé conjointement par la France et l’Allemagne, a poussé la démarche encore plus loin. Dans son introduction, Peter JAKUBOWSKI, directeur du département développement territorial et urbain du BBSR (Institut fédéral allemand de la recherche sur le bâtiment, la ville et le développement urbain), a salué le projet comme un exemple réussi de coopération franco-allemande : « Le projet binational a produit des échanges intensifs entre tous les participants, beaucoup d’engagement et de créativité. Les participants ont réussi à mener à bien un projet complexe, passionnant et hautement instructif. Il reflète à lui seul les mécanismes d’une coopération franco-allemande efficace. Les résultats du projet, en particulier les recommandations d’actions, offrent une base concrète pour continuer à développer la coopération». Du point de vue d’Agnès REINER, directrice générale déléguée de l’ANCT, « ce projet MORO franco-allemand est précurseur et préfigure en quelque sorte les nouvelles possibilités de l’axe de gouvernance » des programmes INTERREG 2021-2027 qui visent notamment à remédier, par l’expérimentation de nouvelles formes de gouvernance, aux freins qui empêchent les territoires frontaliers de se développer pleinement aux plans économique et social, ainsi qu’à renforcer leur cohésion ».

Les projets d’agglomération transfrontalière, un moteur pour un développement territorial commun

Lors des deux premières tables rondes, des acteurs issus des territoires de « Planspiele » et des experts d’autres régions, ont échangé sur les enseignements tirés des deux « Planspiele ». Dans la région SaarMoselle, la simulation a fourni des arguments pour un projet d’agglomération transfrontalière, proposant un cahier des charges avec des thèmes prioritaires et aussi une feuille de route pour sa mise en œuvre. Un rôle central de coordination pourrait être confié à l’Eurodistrict SaarMoselle, qui devrait pour cela être doté des ressources financières et humaines nécessaires. Les participants à la discussion ont confirmé les enseignements de la démarche, notamment la nécessité de disposer de bases de données adaptées et à granulométrie fine. L’exemple des projets d’agglomération en Suisse montre que des projets s’inscrivant à l’échelle d’un grand territoire et avec un soutien financier conséquent, sont un vrai moteur pour un développement territorial commun. Une évaluation de ces projets ont mis en avant un niveau qualitatif supérieur des travaux dans les agglomérations transfrontalières de Bâle et Genève.

Un pôle d’activité multisite transfrontalier, une réponse pertinente à la pénurie de foncier et à la concurrence internationale

Dans la région du Rhin supérieur, les participants au jeu de simulation ont exploré la transposition à un contexte franco-allemand du concept, répandu en Allemagne, de « pôle d’activité multisite » (Gewerbeflächepool) qui aboutit à implanter une entreprise indifféremment dans tel ou tel EPCI, et en fonction des besoins de l’entreprise et de la disponibilité foncière du moment. Pour cela, les participants au « Planspiel » ont élaboré les conditions et le cadre opérationnel de ce pôle foncier économique en réseaux qui repose sur l’ambition d’être une région industrielle aux courtes distances. Ils ont mis en évidence sa valeur ajoutée pour le territoire dans le contexte d’une concurrence mondiale croissante et de relocalisation de sites de production et ont aussi élaboré un processus de passage à l’opérationnel pour la suite de la démarche, laissant à ce stade ouverte la question de la structure porteuse. Les intervenants de la table ronde ont confirmé les arguments en faveur d’une coopération plus étroite dans le domaine du foncier économique, privilégiant le dialogue à la concurrence des territoires. Face à la pénurie de foncier économique, est-il encore pertinent de mettre en avant la notion de frontière entre la France et l’Allemagne ? Sur la base des résultats du jeu de simulation, des solutions pourraient être testées au sein d’un « laboratoire vivant ». À la fin des échanges, un intervenant a cité le fondateur de l’entreprise allemande DM : « Quand on ne voulait pas, on trouvait des arguments. Quand on voulait, on trouvait des moyens ».

Une meilleure coordination est indispensable pour le développement territorial des espaces frontaliers

Les intervenants d’une troisième table ronde ont échangé autour des recommandations élaborées à partir des résultats des deux « Planspiele ». Un projet de territoire non réglementaire peut être l’opportunité et le point de départ d’une coopération intensive au sein d’un bassin de vie et d’emploi transfrontalier. Les experts invités à la table ronde ont confirmé les résultats suivants : la nécessité d’une meilleure coordination du développement territorial transfrontalier, l’idée d’une vérification transfrontalière de la cohérence des documents de planification, l’inscription dans le cadre législatif de la participation des « personnes publiques associées » à l’élaboration des documents de planification du pays voisin. Pour autant, échanger une vision partagée, un projet, ça ne suffit pas, il faut aussi adhérer au processus qui permettra la traduction opérationnelle du projet des deux côtés de la frontière. Cela peut se faire à travers une charte d’objectifs et de gouvernance accompagnée d’une feuille de route, qui incitent à l’intégration des stratégies et des actions transfrontalières convenues ensemble dans les documents réglementaires et non réglementaires de chaque côté de la frontière.

Mieux articuler le rôle des Eurodistricts et des structures de planification dans les espaces frontaliers pour lever les freins au développement conjoint

Une vision commune et la volonté politique de coopérer et de mettre en œuvre des objectifs partagés conditionnent le succès d’un projet de territoire transfrontalier. Les Eurodistricts, les communes et les communautés de communes en sont les acteurs importants dans les régions frontalières, tout comme les syndicats mixtes des SCoT et les Regionalverbände, car ils portent la compétence des documents réglementaires pour la planification à l’échelle territoriale.
Le Traité d’Aix-la-Chapelle offre de nombreux points de départ pour le développement territorial transfrontalier et son Comité pour la coopération transfrontalière peut apporter une aide importante dans la mise en œuvre de projets transfrontaliers.

Un levier clé, élargir le statut de personnes publiques associées (ou porteurs d’intérêt public) aux Eurodistricts et aux planificateurs du pays voisin

Vera MOOSMAYER, en charge de l’aménagement du territoire au ministère fédéral du logement allemand, a conclu la conférence en insistant sur la particularité des régions transfrontalières dans la mise en œuvre d’objectifs d’équité en matière de condition de vie, sur l’idée de s’inspirer des exemples suisses pour financer des concepts d’agglomération au-delà des frontières, en s’appuyant sur le levier de la mobilité et sur la nécessité de renforcer le rôle des Eurodistricts. Elle a aussi souligné la pertinence d’élargir le périmètre d’intervention des « porteurs d’intérêt public », l’équivalent des « personnes publiques associées » en France, à l’élaboration des documents de planification territoriale du pays voisin dans les régions transfrontalières. Vera MOOSMAYER a terminé son intervention sur l’annonce du congrès des régions qui aura lieu le 14 juin 2023 à Cottbus, et dans lequel les régions frontalières joueront un rôle important.

Philippe LACOSTE , conseiller diplomatique de la préfète de la région Grand Est, appuie l’idée d’une vérification de la cohérence des documents de planification et de leurs impacts réciproques sur les espaces transfrontaliers pour renforcer la continuité de l’aménagement du territoire de part et d’autre du Rhin, et éviter les fameux effets de bord. Il évoque également la journée du lendemain consacrée au lancement du groupe d’observation territoriale transfrontalière dans le cadre du Traité d’Aix-la-Chapelle.

La mobilisation collective, forgée autour de cette démarche MORO, s’en trouve renforcée et motivée pour les prochaines étapes.

L’ADEUS, AGL et l’AGURAM accompagnent depuis 2021 les partenaires de ce MORO franco-allemand.
Cette équipe franco-allemande a organisé les deux sessions de « Planspiel » (jeu de simulation) dans la Grande région et le Rhin supérieur.
En appui aux porteurs du projet, les trois structures ont coconstruit et mis en place les tables rondes de la conférence de clôture du 14 décembre 2022. Ces échanges ont permis de présenter les recommandations issues de ce travail et adressées aux différents niveaux (locaux, régionaux et nationaux).
Ces recommandations ont pour finalité de renforcer la cohérence de l’aménagement du territoire dans l’espace transfrontalier.

Illustrations ©Hanna Ketels
Illustrations ©Hanna Ketels

MORO - franco-allemand : Conférence de clôture

Développer ensemble les territoires n’est plus une option pour les régions transfrontalières

Télécharger

Publication introductive, pour la conférence de clôture du 14 décembre 2022 à Strasbourg

Télécharger

Sur le même thème