Pour introduire cette conférence il faudrait tout d’abord mettre en avant l’intérêt de l’approche sociologique pour nourrir les réflexions en matière d’urbanisme, car la sociologie apporte un point de vue complémentaire tout à fait essentiel à d’autres disciplines qui sont très présentes dans ce champ, comme la géographie ou l’architecture.
Par exemple s’agissant du monde du travail, la sociologie pose des angles de questionnement assez différents et complémentaires à ce qu’on a l’habitude de traiter comme la question de la répartition territoriale de l’emploi ou celle des déplacements domicile-travail. La sociologie va questionner plus le vécu même du travail et, ce faisant, elle aide à avoir une approche pour un urbanisme des modes de vie.
Deux dimensions méritent d’être soulignées. D’abord la question des liens sociaux qui se construisent entre collègues dans le monde du travail. Pour la sociologie, le monde du travail est un des piliers sociétaux majeurs avec la famille qui permettent aux individus de construire les liens qui vont leur permettre de s’intégrer socialement. Le sociologue Serge Paugam parle même de lien d’attachement social et plusieurs enquêtes montrent que quand une entreprise ferme et que les salariés sont licenciés, ils regrettent davantage la perte des liens entre collègues que la perte de leur emploi. Il y a donc cette question des liens qui se construisent au sein du monde du travail et sur laquelle la sociologie apporte un éclairage tout à fait fondamental.
La deuxième dimension est celle du sens et de la reconnaissance par le travail parce que le travail est évidemment une source de revenu ; mais pour les individus c’est une activité dans laquelle ils cherchent une utilité sociale, voire ils défendent des valeurs, cherchent à se former, aspirent à développer leurs compétences, leur créativité et là encore certaines enquêtes révèlent que les salariés déplorent plus le sentiment d’un manque de sens que le sentiment d’être mal payé. On voit par ces deux dimensions des enjeux qui sont extrêmement importants de lien, d’intégration, de sens, de cohésion sociale qui se jouent dans le monde du travail. Or les travaux de Madame Linhart montrent qu’en réalité ce qui se joue aujourd’hui c’est plutôt une comédie humaine. C’est le titre de l’un de ses livres qui se penche sur le nouveau modèle managérial qui conduit plutôt à une perte de sens et à une précarisation subjective des salariés.
Madame Linhart est sociologue, chercheuse émérite au CNRS spécialisée dans la question du travail et de l’emploi, notamment sur les questions de modernisation des entreprises.
La première partie de cette conférence portera sur la mise en perspective historique du taylorisme au modèle managérial d’aujourd’hui. Dans un deuxième temps sera abordée la question du lien social qui se construit au sein du monde du travail et enfin la question du sens et de la reconnaissance.
Nadia Monkachi
Directrice d’études ADEUS
