19e rencontre de l'ADEUS - Cycle port 2/3 : Economie | novembre 2014

Les ports, facteurs clés pour l’industrie et la logistique

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Visibilité, efficacité et attractivité

Tout le monde s’interroge sur quelques questions clés, s’agissant à la fois de l’avenir économique, de l’avenir de nos sociétés urbaines et de la combinaison possible des espaces dans lesquels on travaille, on habite et que l’on investit. Je pense en particulier à cette combinaison spécifique du Port et de ses paysages avec la forêt rhénane et le quartier.

Les atouts et les enjeux du PAS et de sa zone portuaire sont des questions que nous nous posons en permanence dans les décisions qui concernent aussi bien les infrastructures, les activités et l’espace que nous occupons. Des tensions peuvent exister entre la ville et sa progression et le port. Cette fameuse question de l’interface ville/port qui se pose, et nous l’avons choisi ainsi, en termes de cohabitation entre activités et habitats et de relation paysagère. Nous avons procédé il y a déjà quelques temps à ce que nous avons appelé un cahier d’espérance avec la CCI, qui a exprimé d’abord les attentes des usagers du port et ce que le port représentait pour eux. C’est un premier aperçu de ce qui peut diriger la stratégie de développement portuaire.

Gagner en visibilité en réaffirmant la vocation économique de la zone portuaire de Strasbourg, gagner en efficacité en renforçant la performance du système de transport de la zone, gagner en attractivité en travaillant sur la requalification paysagère, et aussi gagner en service aux entreprises pour ne pas être dans une zone d’activités industrielle banale.

Dans ce contexte, il a été indispensable d’élaborer un contrat de développement entre le PAS, la Ville de Strasbourg et la CUS (cela n’existait pas jusque-là), avec la volonté de nous donner un cadre qui permette aux entreprises d’avoir de la visibilité sur l’avenir, de permettre aux habitants de savoir comment la ville allait se transformer et de définir les stratégies où les acteurs (collectivités, PAS, acteurs privés) trouvent les bons points d’équilibre.

Dans ce contrat de développement, nous avons dégagé trois enjeux. Le premier enjeu commun est le positionnement portuaire dans le développement économique. La zone portuaire de Strasbourg est à la fois un hub de connexion des différents modes de transports de marchandises, mais aussi une zone d’activités logistique et industrielle majeure à l’échelle de notre agglomération, mais aussi de la région. Le PAS est aménageur, gestionnaire de son domaine, il assure aussi l’entretien et la maintenance des espaces publics, ce n’est donc pas une simple zone d’accueil. La Ville de Strasbourg, elle, a un passé, un présent, un avenir industriel. La zone portuaire est le principal espace de la ville dans lequel cette vocation industrielle existe et il est vrai que pendant des années, le port était le grand oublié de toutes les perspectives, de tous les contrats de plans et tout simplement parce que l’industrie était reléguée en quelque sorte à la frontière. C’est le travail avec la ville de Kehl, en s’élargissant au-delà du Rhin, qui a permis de retrouver une dimension portuaire nouvelle. Le port se place sur le créneau d’une logistique de plus en plus durable et cette dynamique logistique est polarisée en particulier sur l’aire strasbourgeoise sous la forme d’un corridor d’échange et de flux, à l’échelle européenne. Nous avons aujourd’hui le statut de deuxième port fluvial français et nous sommes aussi la plus grande zone logistique d’Alsace, où sont présents le plus grand nombre de transporteurs et de prestataires logistiques. Le Port a donc un rôle de logistique de distribution internationale, européenne, nationale et régionale. Cela présente des atouts de premier plan en comparaison d’autres régions françaises. Un positionnement stratégique sur le Rhin qui permet un accès privilégié à Rotterdam et Anvers, qui sont les premiers ports d’Europe, principale porte d’entrée européenne du commerce international. Une multimodalité très vivace qui est appuyée sur une infrastructure fluviale et un outillage portuaire d’excellent niveau, ce qui permet de transporter des colis lourds fabriqués dans la région voisine de Franche Comté. C’est donc un outil particulièrement stratégique sur le plan industriel. Une base industrielle forte et diversifiée qui soutient une activité logistique puissante, un savoir-faire qui est reconnu dans le milieu logistique, et puis c’est aussi une activité fortement créatrice d’emplois.

Le deuxième enjeu : les mutations urbaines. Ces mutations sont nécessaires, elles appartiennent à la vie de la cité et de son évolution. C’est la partie centrale du port qui a toujours été l’objet de toutes les tentations et de tous les désirs. La prolongation du tramway vers Kehl est un élément qui résume, d’une certaine façon, cette extension de l’urbanisation dans la partie centrale, mais en même temps aussi une manière de faire lien entre les différents espaces et les différentes activités. La transformation d’espaces portuaires en friches représente donc une opportunité exceptionnelle pour créer des espaces urbains qualitatifs et résoudre les difficultés d’accès à la zone portuaire, qui est également un objectif de ces transformations. L’acceptabilité sociale et la perception par les riverains des activités industrielles ou de transport sont aussi des éléments qui caractérisent l’enjeu de ces mutations.

Le troisième enjeu est lié au portage par le Port d’une stratégie de développement de son activité par la création de nouvelles offres foncières pour répondre au besoin d’implantation d’entreprises nouvelles ou d’extension des entreprises existantes. La reconstitution de l’offre foncière suite à la reconversion urbaine dans un secteur tendu est évidemment une des questions clés. Le port a choisi aussi un développement externe au territoire strasbourgeois pour pouvoir compenser les pertes foncières sur son terrain de base, avec le port de Lauterbourg, sur environ 70 hectares, ou l’extension du port de Marckolsheim sur 23 hectares. Sur la CUS, la circonscription portuaire est particulièrement sensible, elle est encadrée par des milieux environnementaux de grande valeur. Nous souhaitons, au niveau des collectivités, les préserver, et ce n’est pas facile puisque la caractéristique des terrains portuaires c’est d’être regagnés par les friches et donc par une forêt rhénane particulièrement vivace, ou par quelques zones humides ici ou là. Si on contraint les ports à être dans des sites dans lesquels il faut garder des réserves foncières et que ces réserves foncières ne sont pas destinées à l’activité, elles risquent de devenir des zones de compensation de tous les plans de protection des paysages ou de la biodiversité. Ce sera de plus en plus compliqué d’avoir des entreprises et de l’industrie sur nos territoires. Des préoccupations communes ont émergé dans le contrat de développement. La première consiste à réaffirmer la vocation économique du port dans un contexte de mutations urbaines. Nous avons associé les entreprises et les partenaires du port, ce qui s’est traduit par une étude en co-maîtrise d’ouvrage, visant à l’élaboration du schéma directeur des Deux-rives. La deuxième préoccupation est de favoriser l’accessibilité. Nous avons une distance concernant l’activité portuaire qui représente 10 km le long du Rhin, et nous avons deux infrastructures qui assurent l’accessibilité depuis l’Allemagne. Donc c’est évidemment sur ces accès, sud et central, que se concentrent les problématiques, la route du Rhin par exemple, le pont de l’Europe, mais aussi la RN363 ou l’AL 98 pour connecter l’axe autoroutier allemand. Mais c’est peu, par rapport à des accès pour un port qui a des activités de transports et des activités de logistiques particulièrement développées. La troisième préoccupation est le renforcement de l’attractivité de la zone. Nous avons bien avancé, à la fois dans les services aux entreprises et dans la communication auprès de l’ensemble des entreprises installées sur le territoire. Nous avons comme quatrième préoccupation le réaménagement qualitatif de la zone portuaire. C’est vrai que le système du port lui-même, qui prévoit des contrats d’amodiation, crée des zones non occupées qui sont souvent des réserves foncières. Celles-ci sont louées et payées. Il n’y a pas beaucoup de friches sur le PAS, du fait même de ce système d’amodiation qui nous permet de rester propriétaire du terrain et de maîtriser la stratégie de développement du site.

Concernant l’avenir, nous sommes liés aux autres ports rhénans, en particulier dans un travail partenarial dans le cadre du programme RTE-T européen. Nous sommes pilotes et coordinateurs de ce programme qui fédère neuf ports du Rhin supérieur, avec un soutien financier de la Commission. Ce programme nous permet d’établir un diagnostic et des éléments stratégiques communs, même si nous sommes des ports en concurrence. Je crois qu’il est important, par ce maillage multimodal et la recherche de ces équilibres urbains et industriels, de logistique et de transports, de rechercher le dessein d’un territoire du XXIe siècle, respectueux des normes du développement durable.

Vidéo de la conférence de Jérôme Verny, Fondateur et directeur de l’institut de recherche en transport international MOBIS

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